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Chapitre 2 - LA S.L.A ET MOI :

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Message  Serge.M Mer 23 Jan - 20:43

La Sclérose Latérale Amyotrophique est une maladie neuromusculaire qui touche plus de 8000 malades en France.
Chaque jour, 2 à 3 personnes sont diagnostiquées ; des malades nous quittent : cette maladie est incurable.

Les diagnostiqués sont dans l’attente d’une mort programmée : en 3 ou 4 ans en moyenne pour certains. D’autres plus « chanceux » peuvent résister plus longtemps.

Un patient SLA, c’est un « cerveau » qui continue jusqu’au bout à fonctionner normalement. Mais un cerveau enfermé dans un corps progressivement handicapé puis paralysé. Un corps privé petit à petit de mouvement, de parole, de la possibilité de s’alimenter et de respirer sans assistance artificielle.

Lorsque l’absurdité de la vie m’a fait par hasard rencontrer la SLA, je me suis aperçu que j’étais seul. Seul face à l’absurdité de la situation.

Seul face à la maladie, seul face à ce qu’il me restait de vie, seul face à la mort.

Seul, mais libre.
Libre de me laisser mourir, libre de me battre tous les jours contre un adversaire invincible. Le seul choix, pour contrôler ou subir ce qui me restait à vivre était simple : mener ou non ce dernier combat.

Par philosophie, pour ne pas me laisser surprendre, je me suis préparé (sans doute trop tôt) pour le pire.
Plus facile à décider qu’à assumer !


Mais dès le départ, j’avais pris la décision que la pieuvre ne « m’étoufferait » pas et que c’est moi qui conserverait la main jusqu’au bout et qui choisirait le moment de ma sortie de « scène ».

Côté pile, je me suis mis à faire vite tout ce que j’avais remis à plus tard, à dans dix à quinze ans :
- mettre de l’ordre dans mes affaires familiales (donations, organisation prenant en compte de mon handicap),
- planifier ma sépulture (assurance obsèques et « cérémonial »),
- écrire, lire...,

… Bref essayer de réaliser vite et bien tous mes projets de vie différés.

Pour la première fois de ma vie, la vie me lâchait, je voyais la «sortie ». Et ma « prestation » vrai, fondamentale n’avait pas commencé. J’étais resté dans les préliminaires de ma petite « réussite » professionnelle, de mon petit statut de confort personnel, familial, mais l’essentiel n’avait été qu’effleuré, entrevu, sans avoir été abordé :

j’ai craqué !

Résultat : dix mois de déprime, dont huit au fond de trou noir, un zombie, un animal, un porc ses vautrant dans ses boues.

Véritable monstre tenant à la fois: «du minéral-du végétal-de l’animal» et sans doute encore un peu de l’humain puisque en voulant préserver mes enfants, ma femme, ma famille, les amis, en voulant gérer seul ma souffrance psychique, j’ai présumé de mes « forces ».

Et j’ai fait vivre un enfer autour de moi.

J’étais malheureux, cassé, je me sentais « sale », fautif sans comprendre que je mettais en place des mécanismes « d’avant » : je culpabilisais et ne me voyais que comme une charge pour les autres.

J’avais honte de ma maladie, de mon corps handicapé, de mon moral dans les chaussettes, de mon mutisme, de mon regard brumeux, de ma surdité aux autres, de ma fatigue. Toute ma culture judéo-chrétienne, m’écrasait inconsciemment de « péchés », que raisonnablement mon esprit cartésien et mon athéisme effaçaient, gommaient, sans les faire réellement disparaître.

Mes idées fixes me minaient consciemment et inconsciemment, physiquement et psychologiquement. J’étais sur à la fois dans ma tête et dans mon corps, que je n’arriverai pas à bout des « projets de vie» que je m’étais fixés. J’avais donc loupé ma vie.

Et le manque de maîtrise de la situation, me faisait craindre une « sortie » aussi ratée que ma vie.

J’avais toujours respectés les autres dans les combats de la vie. Je n’avais jamais méprisé personne, et là je découvrais avec horreur que je me méprisais moi. Que je me haïssais, parce que je ne pouvais plus « donner » aux autres ce que je pensais devoir leur donner. Que le fait de ne pouvoir réaliser l’objectif que je m’étais fixé, me dévalorisait à mes propre yeux.

Il ne me restait plus qu’à « me cacher », me recroqueviller, me faire oublier, surtout ne plus penser !
Puisque je n’étais plus d’aucune utilité. Et que je laissais tomber « tout le monde », avec pleins de projets lancés et qui n’aboutiraient pas à cause de moi.
J’étais dans l’auto-punition d’une faute, dans l’expiation d’un « péché » que je n’avais pas commis, peut-être le péché originel de la condition humaine ?
Victime d’un passage involontaire et absurde sur terre, sans queue ni tête, dont je ne saisissais ni l’utilité de le prolonger, ni le sens ultime, s’il en avait un.

« Plus tard, je chercherais des réponses à cela », avait été ma réponse à mes interrogations chaque fois que j’avais eu des trous dans ma vie. Et puis, chaque fois, quand ça allait mieux, je revenais vite à mes préoccupations et occupations « terre à terre ».

Mais, la philosophie, les religions, la métaphysique, les sciences humaines, les penseurs, les politiques… etc, je « collectionnais » si possible des valeurs sûres…sans prendre le temps de vraiment les lire.
J’avais passé une partie de mes loisirs et dépensé une partie de mes économies à collecter et acheter des supports de la mémoire des savoirs et de la sagesse de l’humanité.
Ma bibliothèque m’attendait pour des lectures à approfondir avec ce qu’il reste dans les livres des penseurs anciens et contemporains.
OUI ! Mais, je n’avais plus le temps !

J’étais bêtement privé du projet de ma vie.



Je ne savais pas encore que ma personne, n’était qu’une partie globalement négligeable de la respiration du monde.
Je ne savais pas que le monde continue à se transformer, que la vie continue avec ou sans « ceux qui se croient indispensables » pour la famille, les amis … et qui ne sont qu’une « forme », qu’une « représentation » physique et spirituelle particulière de la vie.

J’avais tellement à apprendre, sans en avoir le moindre doute, que mon corps et mon intellect avaient répondu par le trou noir de la fuite.

Je ne savais pas non plus que pendant que « j’emmerdais » tout le monde, en me
laissant aveugler, aspirer par ma SLA ; mystérieusement, quelque chose en moi se passait.

Un ressort se remontait sans que je m’en rende compte.
En silence, sans mouvement, sans images, mon corps et ma spiritualité, inconsciemment, buvaient chacun leur part de honte, de mépris, et sans doute aussi de suffisance et d’orgueil, préparant un nectar intemporel d’avenir.

Sans que je m’en rende compte, j’avais inconsciemment commencé le deuil de ma première vie d’avant « le diagnostic ». Et sans le savoir, une partie de moi-même avait déjà consolidé le fond du trou noir, pour y poser les premières pierres de ma seconde vie.

Mais où trouver les matériaux ? Des matériaux solides, fiables adaptés à ma re- naissance, à mon auto pro-création.

Plus grand-chose de physique n’était possible sauf à entretenir du mieux possible ce qui pouvait l’être pour retarder au maximun la diffusion du poison de la SLA dans mon corps.
Physiquement, je ne pouvais que « résister » comme la chèvre de Monsieur Seguin. Je savais qu’à l’aube, le loup frapperait. Mais je ne savais pas à quelle aube.

Intellectuellement, Mentalement, Psychologiquement, je devais mener le combat : reconstruire autrement, autre chose que dans ma première vie. Et là, je pouvais à nouveau me donner le « bon rôle », et l’avantage en choisissant le terrain, et le jeu.

La SLA aurait pu en finir et achever rapidement sa besogne.
Elle pouvait dévorer mon corps. Je devais le lui abandonner peu à peu, sans résister brutalement, de peur de l’exciter. Résister, out en essayant d’adopter un rythme et une forme de vie qui la rassure, qui lui laisse entendre que je n’allais pas la prendre en traite.

Où trouver, la sagesse, la ténacité, la patience, le sang froid, la force, le savoir faire nécessaires pour mettre en place ma stratégie et repartir pour une deuxième mi-temps ?

D’abord faire le deuil de ma vie avant le diagnostic.

Recharger les accus pour la seconde vie, en changer les règles : les choisir’ et non les subir !

J’avais tout en bibliothèque pour commencer.
Mais le temps ?

C’est alors que certaines lectures, m’ont appris à relativiser la « durée » du temps et à le comptabiliser par projet en cours ou réalisé et non plus en jours ou en heures.

Le temps intérieur, n’a pas de durée. Il y a des temps forts et des temps mort. Il est alors question d’intensité, de qualité, et non plus de durée matérielle du temps.

Je n’ose pas encore trop penser à la troisième mi-temps, moi l’ancien « jouer de rugby » qui sait par expérience que c’est souvent la meilleure.

Bien que perdu d’avance. C’est le plus beau des combats de ma vie qui pouvait s’engager.

On le mène pour soi, pour la famille, pour les autres. Quand on n’a plus rien à perdre, on ne peut que gagner ! Alors on joue, on combat pour la beauté du geste, pour gagner quelques mois, quelques semaines, quelques jours.


Le pire, pour nous, c’est d’être confronté à l’indifférence ; à l’isolement social.
Le pire, c’est de ne pas trouver de stationnement handicapé, ou de rampes d’accès là où la loi en prévoit.
Le pire c’est l’inconscience ou l’insouciance de beaucoup d’élus qui remettent à demain les aménagements. Ils perpétuent de l’inégalité, en oubliant les « sursitaires de la vie », qui eux pourtant paient des impôts comme tous les citoyens.

Le pire c’est d’être confronté à l’absence de crédits publics pour la recherche. De savoir sa vie suspendue à la charité publique et au dynamisme d’Associations pour soutenir les programmes des chercheurs.

Le pire, c’est en définitive tout ce sur quoi, nous n’avons pas prise directe.
Dans ce domaine, on ne peut que se faire entendre. Il faut le faire, sans trop d’illusion.

Par contre pour tout ce qui dépend d’un effort sur nous même, là, nous avons la main.

Là, nous pouvons réagir, agir, construire.

La maladie fait partie de la vie.
Apprendre à vivre avec la SLA, est plus réaliste que de se faire des illusions sur une éventuelle guérison (toujours mystérieusement possible) C’est sûrement plus agréable et plus enrichissant que le mal vivre d’une fin de vie.

Quand on a décidé de se battre, la vie devient un trésor, la vie devient belle.
On va à l’essentiel, on ne perd plus son temps à … passer le temps.

On passe son temps à …vivre !

Chaque matin, une merveilleuse aventure commence : celle d’une vie à forte valeur ajoutée. Chaque jour est vécu comme une éternité … qui peut s’arrêter à tout instant.

C’est quelquefois le pied, et on arrive même à oublier que ça ne va pas durer.
Serge.M
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Message  michou Sam 30 Jan - 13:10

bonjour Serge
ton témoignage perso est tellement ressemblant à mon ressenti, et pour sur, au ressenti de tous les autres SLA!
j'ai bientôt 70 ans, diagnostiquée depuis 2005 (premiers effets: 2004) et la rage et la haine contre
cette saloperie collées au corps (sans jeux de mots)
l'injustice d'une prise en charge differente suivant que l'on a moins ou plus de 60 ans lors du diagnostique!!
je vis seulle et me débrouille encore, mais jusqu'à quand?
j'ai arrêté le riluthek quand j'ai vu ma maladie progresser quand même, et après avoir compris qu'il n'était censsé servir qu'à ralentir de 3 mois environ la maladie !!!
j'habite Marseille
Bonne journée - nous avons du soleil - bon pour le moral! sunny

michou

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Message  michou Lun 1 Fév - 12:36

bonjour Serge -
une petite question = as tu été diagnostiqué avant ou après 60 ans Question

michou

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